Nous avons décidé d'hiverner Aïta Péa Péa aux Açores, à Santa Maria. Cela nous permettra, l'année prochaine, d'être sur place tôt en saison, à l'époque où il y a le plus de baleines et autres cétacés, et d'avoir plus de temps pour découvrir les îles que nous ne connaissons pas encore.
Nous voulons partir de Horta de bonne heure, mais comme nous devons faire le plein de gazole, nous attendrons l'ouverture de la station à 9 h . et quelques... Comme d'habitude, nous avons consulté les différents sites météo, les fichiers grib, pour avoir les meilleures conditions possibles. Peu ou pas de vent prévu au départ, de la pluie, le vent arrive en fin de journée du Nord-Est pour nous pousser jusqu'à Santa Maria, à 200 milles de là.
Nous nous dégageons de Horta au moteur , sous un ciel chargé. En nous éloignant de l'île, nous laissons derrière nous les nuages accrochés aux sommets. Nous Longeons Pico au moteur, croisons quelques dauphins; le vent est conforme aux prévisons, très léger et contraire. En fin de journée, le vent se renforce légèrement, mais exactement de Sud-Est, la direction de notre route. Nous devons tirer des bords, ou continuer au moteur. Nous devons être à Santa Maria dans une semaine pour sortir le bateau. Avec ce vent, on va bien mettre 5 jours... Alors, tant pis, va pour le moteur. Nous essayons de nous aider des voiles quand le vent varie en direction. L'île de Pico le dévie en raison de son relief. La nuit est belle, avec des nuages bas qui ne nous empêchent pas de voir les étoiles. Très beau levé de soleil.
La deuxième journée est identique à la précédente : vent dans le nez, marche au moteur.Au moins nos baterries seront bien chargées, surtout qu'on utilise le radar pour suivre les nuages et les orages qui sont de plus en plus nombreux. C'est incroyable comme on les voit bien. Dans la nuit, nous avons à faire face à une mer de plus en plus agitée, la houle est croisée, courte, le pilote a du mal à barrer. La vitesse descend, mais nous continuons comme ça. A 2h, l'orage est sur nous. Ou plus exactement les orages. Nous sommes encerclés. La pluie arrive et le vent monte d'un coup. Pas le temps de mettre les cirés. Je commence à prendre le premier ris. Le pilote ne tient plus le bateau à cause de la houle croisée. Nous n'avançons plus. Cathy qui était en train de se lever pour prendre son quart n'a que le temps d'enfiler son harnais pour s'emparer de la barre pendant que je réduis la toile. Une demi heure plus tard, nous avons 3 ris dans la grand-voile, 6 tours de rouleaux dans notre petit foc, le vent souffle à force 9. Nous sommes trempés jusqu'aux os, heureusement qu'il ne fait pas froid. Nous pouvons enfin aller nous habiller correctement pour ce type de temps, les cirés sont de rigueur. Dans cette mer, Grigri, notre fidèle régulateur d'allure ne peut barrer. Super Grognard, notre super pilote électrique non plus. C'est notre tour, il faut barrer. Nous nous relayons environ toutes les heures. Nous sommes aveuglés par les éclairs.
Tout à coup, je me sens oppressé. Je ne sais pas ce qui m'arrive. Je jure quand je me rends compte que mon gilet-harnais vient de se gonfler. Il pleut tellement, que la pastille de sel qui provoque le gonflage a fondu; ça ne nous était jamais arrivé!
Ensuite, c'est au tour du GPS de nous abandonner. A chaque fois qu'on s'approche d'un orage, plus rien. Heureusement, nous notons très régulièrement nos positions, alors nous savons où nous sommes et nous pourrons faire une estime si nécessaire. Toute la nuit, il fonctionnera par saccades, et reprendra son fonctionnement normal, le matin.
Comme consolation, on peut se dire qu'on navigue enfin à la voile. Dans la matinée, nous apercevons Santa Maria. Nous ne sommes pas arrivés pour autant. Encore 25 milles en ligne droite, mais beaucoup plus en tirant des bords comme on fait depuis cette nuit.
Début d'après midi, nous pénétrons dans l'avant port où tout est si calme. Nous faisons des ronds, le temps de préparer les aussières et les pare-battages, avant l'accostage.
Bilan : 52 h de traversée, vistesse maxi : 8,9 nd (avec 3 ris et 6 tours dans le foc), distance parcourue : 246 milles (au lieu de 190). Une traversée éprouvante qui laissera un mauvais souvenir, comme peu de traversées.
Le soir de notre arrivée (dimanche), c'est la fête au port. Non pas que nous étions attendus comme le messie, mais c'est la Sao Pedro de Gonçalvez, fête des pêcheurs. Les bateaux sont décorés, un chapiteau est dressé sur le quai, les pêcheurs tiennent des buvettes, et toute l'île semble s'être donné rendez-vous.
Lundi, au travail. Nous sommes arrivés dans les temps que nous nous
étions fixés. Nous sortons le bateau dans 5 jours, et il y a du travail.
Pour commencer, il faut faire sécher les voiles avant de les dégréer et
les ranger à l'intérieur. Pour cela, il nous faut du soleil, et pas trop
de vent. Autant demander la lune aux Açores. Il semble que la chance
tourne pour nous, car nous sommes exaucés. Une légère brise permet aux
voiles de sécher après avoir été copieusement rincées. Ensuite, séance de
pliage sur le ponton. Généralement, l'opération est malaisée en raison de
l'étroitesse des pontons. Ici, pas de problème, le ponton est large et
inoccupé, ou presque.
Vendredi 11, c'est le grand jour. Rendez-vous à 9 h pour sortir le bateau.
Ricardo, le patron du chantier qui s'occupe du calage, nous avait demandé
des photos du bateau au sec, pour savoir comment le caler. Il est là, et
se dit prêt.
Depuis, nous rangeons, lavons, aérons tout ce qui passe à portée de main.Le séchage est très important. Aux Açores, l'hiver est très humide, tout ce qui sera rangé imparfaitement sec sera retrouvé moisi au printemps....
Mais tout ce travail ne nous empêche pas de faire de nouvelles rencontres. Maylen et Daniel sur leur joli bateau "La Civelle", dessiné et construit par Daniel ont partagé avec nous de sympathiques soirées.
Il partent hiverner à Madère. |
Pour les deux ultimes soirées, nous désertons le bord. Il est plus pratique de ne plus vivre sur le bateau pour les derniers préparatifs d'hivernage. Nous avons émigré à la Poussada do Juventude. La quoi? J'en entends qui se gaussent déjà. Et oui, une auberge de jeunesse, comme on dit en français. Bel établissement récent, avec une belle vue sur la campagne et la mer, piscine, et tout ça à deux pas du bateau (peut-être un bon millier, mais c'est une façon de parler).
Mais nous gardons le moral, le départ est prévu demain. 3 avions nous
amèneront à destination:
Santa Maria-Ponta Delgada
Ponta Delgada-Lisbonne
Lisbonne-Nice, avec une escale de 20h à Lisbonne. espérons qu'en plus, il
n'y aura pas de retard.
Ainsi finit le voyage de 2015. Belle promenade ponctuée de paysages
magnifiques et de belles rencontres.